Rapports annuels

 

Avant-propos 2024

Ce nouveau rapport d’activité de la CTIF m’amène, en premier lieu, à remercier, d’une part, l’ensemble des collaborateurs de la Cellule et, d’autre part, nos partenaires habituels du monde judiciaire et policier et des départements administratifs de l’Etat, pour leur travail accompli et la coopération quotidienne.

Il est de coutume de dire que les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Cependant, dans le monde de la lutte contre la criminalité financière, le blanchiment et le financement du terrorisme, il est nécessaire non seulement de les analyser en termes de bilan annuel mais aussi - et surtout - d’en tirer les enseignements utiles pour adapter les stratégies de lutte pour lesquelles l’exploitation du renseignement financier joue un rôle prépondérant.

Avec un nombre de déclarations reçues en augmentation constante, la Cellule se doit de s’adapter continuellement et elle l’a notamment fait fin 2024 par l’implémentation de son nouvel outil de gestion goAML.

Tout d’abord, un grand nombre de déclarations reçues ne concernent pas des activités en Belgique mais ont trait à des activités effectuées par des ressortissants de l’Union dans d’autres pays. Les transferts de renseignements opérés vers les autres CRF de l’Union européenne constituent ainsi une très large part des externalisations de la Cellule.

Il faut aussi rappeler qu’un dossier transmis aux autorités judiciaires peut contenir un nombre important de déclarations de soupçon.

Outre la transmission aux autorités judiciaires, un processus d’externalisation des informations utiles vers un certain nombre d’autorités administratives a été mis en place.

Enfin, les déclarations constituent un socle commun pour des analyses ultérieures.

Le temps de la Cellule n’est pas le temps des autorités judiciaires et policières. On peut décrire le travail et les relations de travail entre la CTIF et ses partenaires comme un marathon relais.

Par son analyse minutieuse et rapide des déclarations, la Cellule permet, au travers des transmissions vers les autorités judiciaires et des externalisations vers les services de l’Etat, d’initier un processus d’enquête, laquelle sera engagée en fonction des priorités, des nécessités et des moyens de nos partenaires.

Néanmoins, les chiffres incitent aussi à une réflexion quant au développement de nouvelles stratégies et à l’affinement des stratégies existantes dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme afin d’accroitre l’efficacité des mesures.

Dès son origine, la finalité judiciaire des activités de la Cellule a été affirmée. Aujourd’hui, même si la finalité de la Cellule reste une finalité judiciaire directe, le contexte a changé parce que s’est développée une politique de sanctions administratives menées par les autorités administratives sous le contrôle des autorités judiciaires.

Disposée à assumer un rôle particulier, dans le respect de l’autonomie et des compétences de chacun, la Cellule aide déjà souvent à récolter, à travers son action rapide et ses contacts avec ses homologues européens et internationaux, des renseignements sensibles utiles pour la poursuite des enquêtes, notamment judiciaires, voire l’identification d’avoirs détenus à l’étranger.

L’élargissement de la finalité judiciaire de la Cellule se traduit aussi par l’augmentation de l’externalisation des renseignements utiles vers les administrations. En matière de fraude fiscale, on parle d’une externalisation vers les services fiscaux via le service CAF. Le traitement efficace de ces externalisations a permis des impositions, entre 2019 et 2023, pour pas moins d’un 1,5 milliard €1.

Etendre cette externalisation pour amplifier la lutte contre « l’escroquerie fiscale » commise par les organisations criminelles est une piste qui doit être exploitée dans les mois et années à venir. J’introduis volontairement l’expression d’escroquerie fiscale et je la distingue de la fraude fiscale « patrimoniale ».

Selon moi, l’escroquerie fiscale recouvre l’ensemble des activités économiques d’apparence légitime mais dont le seul objectif est, d’une part, de perturber les activités économiques légitimes et, d’autre part, de spolier les ressources de l’Etat et, trop souvent, ces escroqueries fiscales s’accompagnent de fraudes sociales.

Tirer des enseignements des chiffres 2024 c’est aussi constater que les réseaux professionnels de blanchiment accueillent volontairement les flux liés au trafic de stupéfiants et « dissimulent » de la sorte les montants détectés en 2024 qui peuvent directement être associés avec ce type de criminalité sous-jacente. S’interroger sur les causes de l’ampleur du trafic amène aussi à s’interroger sur le phénomène de la corruption de basse intensité, c’est-à-dire la corruption à petite échelle de personnes nécessaires à l’entrée illégale de containers de drogues. C’est une interrogation partagée avec mes homologues français, néerlandais et allemands. En partenariat avec la Commissaire nationale aux drogues avec qui je partageais la préface du précédent rapport, la CTIF sera amenée à échanger et développer des analyses stratégiques qui pourront également être mises sur la table de la nouvelle Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Pour conclure cette préface, je vous souhaite une agréable lecture.

 

Philippe de KOSTER

Président de la CTIF

 

1Ce montant concerne les suppléments et accroissements d’impôts HORS amendes.